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Premièrement, il convient de définir plus précisément ce qu’est le patrimoine et la manière de l’aborder. Pour ce faire, nous nous intéresserons aux propos de Françoise Choay et John Brinckerhoff Jackson, lesquels développe sur l’essence du patrimoine et sur sa portée collective et  sociale.

 

La popularité actuelle du patrimoine nécessite de réfléchir sur la valeur historique intrinsèque de ce que nous conservons. Cet héritage collectif doit être évalué en terme de valeur d’art et d’histoire et pas uniquement en rapport à la sentimentalité nostalgique qu’il peut inspirer. Ces valeurs sont le reflet d’un caractère représentatif et unique d’une époque qui, sans l’acte de conservation, serait perdue et oubliée.

 

L’intérêt patrimonial était autrefois attribué presque uniquement aux bâtiments religieux et de prestige tel les palais de justice. Toutefois, vers le XIXe siècle, un changement de mœurs et un détachement progressif du dogme religieux font naître dans les communautés un intérêt pour le passé vernaculaire et le quotidien d’individus anonymes ayant participé à l’histoire collective. La tendance actuelle pour la conservation de sites et bâtiments industriels pourrait d’ailleurs, en partie, s’expliquer par cette bifurcation progressive des considérations du peuple.

 

Toutefois, qu’il s’agisse d’un patrimoine religieux, vernaculaire ou autre, Choay et Jackson s’entendent pour dire qu’il est primordial de ne pas muséifier les objets du patrimoine, mais de les utiliser comme source d’inspiration pour l’évolution de la société. Car, bien qu’ils reflètent un mode de vie et une façon d’être qui n’est plus, il émane des aménagements des quartiers et bâtiments historiques une qualité humaine qui doit être conservée et se perpétuer.

 

 

Comment aborder le patrimoine ?

Intervention sur l'urbain et le bâti 

 

La variété des interventions sur le patrimoine constitue une foule de possibilités qui mettent en lumière l’unicité de chaque cas. Il ne peut y avoir d’approche ou de solution universellement applicable. Le contexte et les échelles d’intervention amènent à réfléchir selon différents critères et à prioriser certaines approches. Toutefois, les aspects sociaux, culturels et économiques occupent toujours une position centrale lorsqu’il s’agit d’intervention sur le patrimoine.

 

L’échelle urbaine implique de considérer les rapports entre centre ancien et ville nouvelle. Selon Giovanonni, pour qu’une relation fonctionnelle soit générée, il convient d’organiser un système structuré autour de plusieurs polarités, ancienne et contemporaine, lesquelles doivent être reliées par des moyens de communication rapides et efficaces. Pour ce faire, il importe de gérer la mobilité de manière à conserver les grandes circulations automobiles à l’extérieur des centres historiques pour y prioriser les déplacements locaux. Cette organisation permet de conserver le caractère propre de chacun des ensembles tout en intégrant le tissu ancien dans la dynamique de la ville contemporaine. Il survient toutefois des situations où il devient impossible de dissocier complètement ces deux organismes. Giovanonni avance donc qu’il est primordial, lorsque vient le temps d’insérer de la nouveauté dans le cadre ancien, d’intervenir avec sobriété et modestie. La conservation des ensembles historiques assure également la pérennité d’une richesse publique qui participe à définir l’identité des quartiers et des villes. Le respect du contexte devient alors d’une importance capitale, puisqu’une atteinte à ce dernier affaibli l’intégrité du caractère historique propre à chaque ensemble. C’est pourquoi il convient de considérer chacun des bâtiments et monuments comme les parties d’un tout, lequel agit comme élément représentatif d’une époque.

 

«Dans tous les cas, de multiples manières et avec une intensité différente, le respect de l’art et de l’histoire renvoie à la ville, à ses quartiers, à son cadre naturel et à son plan, mais non à l’édifice isolé, souvent négligeable en tant que tel.»[1]

 

La conservation du patrimoine constitue donc, comme le suggère Hurley, une stratégie de revitalisation efficace. En effet, l’adaptation des bâtiments historiques permet de considérer le patrimoine comme un outils dynamique plutôt que comme un ensemble statique sans usage.  

 

«If we understand that current intrusive structures will eventually become obsolete and subject to replacement, and that vanishing historic buildings might be reinstated, an unprescribed palette of urban possibilities is presented, making it possible to change the spirit and form of the city at many locations»[2]

 

 

 

En effet, il devient particulièrement difficile de reproduire avec justesse une composante historique ayant été démolie. Les couts engendrés par cet effort et le défi qu’implique la reproduction de traditions constructives aujourd’hui disparues rendent presque impossible la réalisation d’une insertion harmonieuse au contexte. C’est pourquoi il faut voir la ville ancienne, comme le propose Tung, à l’image d’un «living museum». En effet, elle représente la plus vaste collection culturelle que l’on puisse trouver et constitue un legs important pour les générations futures.

 

«If communities embrace the past as a foundation for prospective development, the reuse of historic structures becomes a starting point for broader consideration of a future infused by the past.»[3]

 

La réinsertion de bâtiments patrimoniaux dans la dynamique contemporaine demande de se questionner sur les interventions à apporter à ces derniers de manière à les rendre fonctionnels tout en conservant leur essence. La condition du bâtiment précédent sa réinsertion, sa fonction originale et la règlementation qui s’y applique permettront de déterminer l’ampleur des gestes pouvant être appliqués. Le caractère réversible des interventions constitue d’ailleurs un statut appréciable permettant de minimaliser l’atteinte portée aux composantes patrimoniales du bâtiment ciblé. Le niveau de réversibilité est toutefois grandement influencé par la nature des nouvelles fonctions à insérer. Les anciens bâtiments industriels, par exemple, constituent un cadre d’intervention flexible puisqu’ils sont formés de vastes espaces plus facilement adaptables. La nature des nouvelles fonctions intégrées au cadre patrimonial demande également à être réfléchis en terme de compatibilité. Cette dernière permet l’intégration de nouvelles fonctions dans le tissu urbain tout en faisant participer le ou les bâtiments historiques au contexte économique, social et culturel de la ville contemporaine.

 

«When urban districts capitalize on their historical assets to attract residents and fresh investment, they acquire the capacity to stabilize social relations, articulate community values, and plan more intelligently for the future»[4]

 

[1] Giovanonni, Gustavo. Ch v « La question des centres anciens » in L’urbanisme face aux villes anciennes [1931] traduit de l’italien (Editions du Seuil, 1988): 217

 

[2] Tung, Anthony M. Ch 15 « The City as a Living Museum » Preserving the world's great cities : the destruction and renewal of the historic metropolis (New York: Clarkson Potter, 2001). P.430

 

[3], Hurley, Andrew. Ch. 1 “Preservation in the Inner City” in Beyond Preservation: Using Public History to Revitalize Inner Cities (Philadelphia: Temple University Press, 2010): p.180

 

[4] Hurley, Andrew. Ch. 1 “Preservation in the Inner City” in Beyond Preservation: Using Public History to Revitalize Inner Cities (Philadelphia: Temple University Press, 2010): p.178.

 

 

Le patrimoine comme levier économique et touristique

 

Tel que mentionné précédemment, la conservation et l’intégration du patrimoine au contexte actuel permet à ses constituantes d’agir à la fois comme miroir du passé et outil de développement futur. En effet, la réinsertion patrimoniale offre des options de développement pouvant apporter des avantages sociaux et économiques que la démolition ou la construction de bâtiments neufs ne pourraient atteindre. Ainsi, une intervention pensée en terme de besoins présents et futurs permet d’envisager des solutions durables et bénéfiques pour l’économie locale. Il convient donc d’intégrer les milieux patrimoniaux dans un processus de planification qui tient compte de l’importance de sa pérennité et de ses potentiels. Les valeurs et considérations des sociétés et des gouvernements jouent d’ailleurs un rôle primordial dans la détermination des priorités relatives au développement et à la conservation. Les désignations historiques, lesquelles sont attribuées par les différents paliers gouvernementaux, constituent un mécanisme efficace permettant d'assurer l'intégrité du tissu historique, tout en supportant le développement économique local et le rehaussement de la qualité de vie pour la collectivité. De plus, elles apportent l’avantage de donner une certaine notoriété au site patrimonial, offrant de ce fait l’opportunité de le publiciser et de le rendre accessible à un public plus large en développant un filon touristique. Pour qu’une telle activité soit viable, il convient toutefois de considérer le climat socio-économique du milieu et le cadre bâti comme un tout, de manière à bien cibler les besoins présents et les opportunités de développement. Ce faisant, par un développement sensible et bien planifié, les milieux patrimoniaux peuvent être réinséré et intégré au contexte actuel, tout en donnant un caractère propre et unique aux milieux qu’ils occupent.

 

La prise de conscience de l’importance de la conservation du patrimoine a mené depuis les dernières décennies à la création de structures permettant de guider les interventions entreprises sur ce dernier. Une série de règlementations, normes et recommandations ont donc été élaboré (et le sont toujours) pour déterminer les actions à prescrire et à proscrire, le tout en fonction d’un système de désignation patrimoniale. Cette structure s’organise autour d’un cadre à 4 paliers qui, dans le cas qui nous concerne, cible pour les échelles municipale, provinciale et nationale la ville de Toronto, la province de l’Ontario et le Canada.  

 

Comme le tableau ci-dessous tend à le démontrer, on peut constater que pour un seul et même projet sur le patrimoine, le cadre législatif et les recommandations proviennent de différents paliers et influent à leur manière sur la tangente que prendront les interventions.

Cette démarche évaluative par les valeurs constitue un outil pré conceptuel avec laquelle les professionnels de l’aménagement peuvent travailler dans la pratique. Toutefois, bien d’autres considérations et obligations entrent en ligne de compte lorsque vient le temps d’intervenir sur le patrimoine et c’est souvent après coup qu’il nous est possible d’évaluer la pertinences et l’impact des gestes ayant été posé. Cette réalité met en lumière la pertinence d’effectuer une analyse postérieure à l’intervention, analyse pour laquelle plusieurs villes ont déjà élaboré un système d’évaluation. C’est d’ailleurs à l’aide des critères élaborés par la ville de Montréal, qui ciblent la justesse des interventions sur différentes échelles, que nous effectuerons notre travail d’analyse du projet du Distillery District de Toronto

Cadre législatif et recommandation

Les idéologies et approches précédemment mentionnées ont mené les spécialistes et organisations s’intéressant au patrimoine à se pencher sur un système d’évaluation permettant de définir le caractère patrimonial des éléments à conserver. Le synopsis présenté ci-dessous, qui illustre un éventail  de systèmes d’évaluation basés sur les valeurs, démontre les démarches entreprises dans la but de favoriser une étude approfondie des biens patrimoniaux menant à la proposition d’interventions intelligentes et bénéfiques.

 

Les systèmes et critères d'évaluation

Source : The Getty Conservation Institute

 

Les questions patrimoniales constituent, depuis plusieurs années déjà, une considération pour laquelle l’intérêt ne cesse d’évoluer, autant pour les professionnels de l’aménagement que pour le grand public. Toutefois, au-delà de la simple image du patrimoine, que l’on définit comme un «Bien, héritage commun d’une collectivité, d’un groupe humain.»[1],  se trouve un domaine complexe aux considérations et opinions multiples. Il sera donc question d’en exposer les grandes lignes de manière à bâtir un cadre permettant une compréhension globale de l’approche patrimoniale, le tout menant subséquemment à une évaluation avisée du projet de Distillery District à Toronto.

 

[1] Larousse. Le petit Larousse illustré (Paris : Larousse, 2007) : 796.

THÉORIE PATRIMONIALE

Source : Distillery Heritage

 

Source : Étudiants

 

Source : Étudiants

 

Source : Étudiants

 

Source : Étudiants

 

Source : Étudiants

 

Source : Martin, Tania, Patrimoine Montréal

 

Source : Étudiants

 

Source : Étudiants

 

Source : Étudiants

 

Source : Étudiants

 

Source : Martin, Tania, Cadre législatif

 

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